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Le statut de la raison dans la Sunna et la Noble Tradition Prophétique

Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux

… Nous abordons maintenant la question de la raison dans la Tradition (Hadîth) du Prophète (P) et des Imâms (p), car cette Tradition élargit les perspectives ouvertes par le Coran et mettent l’accent sur les particularités de la raison et son dynamisme dans la vie de l’homme. Cela nous conduit à une conclusion définitive, à savoir que la raison est le fondement de la totalité de l’Islam. L’homme est raison dans la mesure où celle-ci représente, de par son essence, le sens de l’homme. L’Islam est raison puisque Dieu, à Lui la Grandeur et la Gloire, l’a décrétée dans ses Livres et l’a inspirée à Son Prophète (P) dans tous ses concepts et ses lois, à partir de la rationalité de l’Islam qui doit être comprise par les hommes. Comment se présente la raison dans le Coran ?

Les usages coraniques de la notion de raison

Il convient ici de donner une idée claire du mot ou du terme « raison ». Ce terme s’utilise dans divers contextes. Pour les moralistes, ce terme signifie l’instinct qui est à l’intérieur de l’homme. Si nous remplaçons cette expression par une autre, on peut dire que la raison est l’énergie emmagasinée dans l’essence de l’homme et qui permet à l’homme de s’approprier, dans ses contemplations et dans tout ce qui l’entoure, un dynamisme qui produit l’idée et la comprend. C’est en cela que consiste la différence entre l’homme et l’animal. L’homme possède cette énergie sacrée -comme le disent certains penseurs- qui lui permet de s’ouvrir à la vie toute entière, à la réalité toute entière et à l’univers tout entier, dans un processus d’inspiration et de génération.

La raison s’inspire de ce qu’elle voit, de ce qu’elle entend et de ce qu’elle sent. En même temps, elle en produit l’idée, alors que l’animal ne possède pas cette capacité. Les images peuvent s’imprimer dans la tête de l’animal. Il peut agir suite à l’entraînement, mais il ne peut pas produire une pensée ou s’approprier une idée par inspiration. Tout ce qu’il possède est un instinct figé en-soi, mais qui se meut dans la mesure où les autres le mettent en mouvement dans un cadre particulier. Voilà ce qui est l’origine ou le fondement du terme « raison ». Mais le terme peut être utilisé pour désigner les idées évidentes ou nécessaires qui sont accessibles même à l’enfant pourvu de discernement, comme lorsqu’on dit que le « tout » est plus grand que la partie, que la chose au nombre de ‘un’ est différente de la chose au nombre de ‘deux’, ou que la chose au nombre de ‘un’ ne peut pas se trouver dans deux endroits différents. Ainsi naît la question des ‘intelligibles’ qui sont considérés comme étant les fondements de la pensée, comme les propositions : ‘les deux contraires ne se réunissent pas’, ou ‘les deux contraires ne se réunissent pas au niveau d’un seul et même objet et d’un seul et même moment’, parmi d’autres propositions nécessaires dont parlent les logiciens et les philosophes. Le terme ‘raison’ peut être utilisé pour désigner aussi cette science qui est accessible à l’être humain vivant dès ses premiers contacts avec la réalité ambiante. Il s’utilise aussi pour désigner les expériences et les connaissances de l’homme. Nous savons, en effet que l’expérience est l’une des sources de la connaissance. Cela a été découvert par l’homme et les savants musulmans ont eu le privilège de le transporter en Occident qui l’a utilisé pour faire progresser son propre mouvement scientifique qui était basé sur les philosophies contemplatives précédentes. L’Occident a ainsi pu réactiver l’expérience et s’en inspirer pour découvrir les secrets des choses, les secrets de la vie et les secrets de l’homme.

Le progrès réalisé par l’Occident est, peut-être, le fruit de l’union de l’expérience et de la contemplation, union qui a donné naissance à la raison expérimentale, car plus il expérimente, l’homme devient plus conscient et plus capable de connaître les choses par son intelligence. L’expérience fournit l’idée à l’homme ainsi que le fondement réel de l’idée. Il existe à ce propos un adage populaire qui dit : « Renseigne-toi auprès d’une personne expérimentée et ne te renseigne pas auprès d’une personne sage », du fait que l’homme qui vit l’expérience tient l’idée à partir de ses fondements, alors que la personne sage est la personne cultivée et instruite tiennent l’idée à partir des expériences des autres. On peut nuancer l’idée sous-tendue par cet adage populaire à l’aide de l’exemple suivant : Si nous prenons une personne qui vient d’avoir son diplôme d’architecte et un maçon qui pratique son travail en tant que tel depuis vingt ans, nous constatons que celui-ci connaît mieux la terre et la construction sur cette terre que l’architecte qui a tenu l’idée à partir des personnes du même genre que le moisson, alors que notre maçon a lui-même vécu l’expérience et il est dans son pouvoir d’approfondir l’expérience de celui qui a étudié l’art architectural… Il en est de même dans le domaine de l’agriculture où l’agriculteur qui passe 30 ou 40 ans à cultiver la terre possède plus d’expérience qu’un diplômé de la faculté d’agriculture. La raison expérimentale est donc la raison de l’homme et on a dit que les expériences sont une raison nouvelle en plus ou une raison en continuation.

Le quatrième sens qu’on donne au terme ‘raison’ se représente dans la raison pratique. L’homme s’affirme en tant qu’homme lorsqu’il vit cette raison à travers la contemplation et l’expérience, ce qui lui permet de distinguer le vrai et le faux, le beau et le laid. Après cela vient le rôle de la dimension pratique qui conduit l’esprit à appliquer ce dont il a eu connaissance. La personne sage est celle qui, constatant qu’une chose est mauvaise, l’évite, et constatant qu’une chose est bonne la recherche. Une telle personne est considérée comme appartenant à la catégorie des personnes sages. Quant à la personne qui sait qu’une chose est mauvaise sans que cela ne l’empêche de l’éviter, elle le fait parce qu’elle se laisse conduire par ses désirs et ses passions et, de ce fait, elle n’est pas considérée comme appartenant à la catégorie des personnes sages, même si elle connaît les choses par sa pensée. Cette personne ne se conduit pas rationnellement au niveau de son action et de ses comportements. Le premier fondement de cette classification repose sur la création de l’homme par Dieu, à Lui la Grandeur et la Gloire, qui a déposé en lui les potentialités qui tendent à se développer, à progresser, à se mouvoir et à produire. En se conduisant, l’homme se conduit à partir de la lecture qu’il fait des autres et à partir des lectures que les autres ont en fondé la pensée, à travers leurs expériences, ou à travers la volonté spontanée dirigée par la raison de l’homme dans le sens de sa vie.

La raison, une énergie qui englobe la vie

Tout ce mouvement trouve son origine dans l’énergie de la raison, car cette énergie n’est pas une énergie fermée, mais une énergie ouverte à la contemplation et à l’expérience, et ouverte également à la dimension pratique. La raison représente une énergie dynamique qui englobe toute la réalité de l’homme. A la lumière de tout cela, je considère que la raison est l’argument de Dieu auprès de ses serviteurs. Dieu argue à partir de cette énergie rationnelle qu’Il a déposée dans l’existence des serviteurs. Certains se posent des questions au sujet de ceux qui n’ont pas reçu un révélation divine, comme c’est le cas de ceux qui vivent dans les régions primitives et inconnues du monde et qui n’ont pas reçu la culture ou les religions ou l’Appel : Comment ces gens-là qu’on classe dans la catégorie des ignorants, des faillibles ou des inconscients, seront-ils jugés par Dieu ? Comment les juger et leur demander de rendre des comptes parce qu’ils n’ont pas adhéré à l’Islam, alors qu’ils ne possèdent pas les moyens de l’enseignement et de l’Appel. Certains répondent en disant que Dieu les juge à partir de ce que leurs raisons saisissent. Il y a dans la raison quelque chose qui brille, qui rayonne et qui éclaire, pour l’homme, une idée déterminée qui rencontre certains éléments de la doctrine comme, par exemple, la croyance à l’unicité divine qui est ((La prime nature selon laquelle Dieu a instauré les humains)) (Coran XXX, 30). Dieu punit donc l’homme, ou le récompense selon ce qu’il saisit grâce à sa raison parmi les choses qu’il ne peut pas connaître par les moyens dont disposent les humains qui vivent dans d’autres régions. La raison est donc le fondement et nous verrons, si Dieu le veut, dans les textes auxquelles nous nous référerons, que Dieu récompense l’homme selon sa raison et punit l’homme selon sa raison. Mais il est à savoir que la quantité de la récompense ou de la punition n’est pas équivalente à la taille de l’action, mais à la taille de la conscience qu’on a de l’action.

La raison est le fondement de la connaissance et de la doctrine

D’où nous disons que la raison est ce qui gère toutes les affaires de l’homme. C’est par la raison que nous prouvons l’existence de Dieu. C’est par la raison que nous saisissons la prophétie du Prophète à travers les preuves qu’il met à la disposition de notre pensée. Même la question de l’imâmat, quant à la nature de sa nécessité, est saisissable par la raison, même si la détermination de la personne de l’Imâm se fait par référence au Texte. C’est aussi par la raison que nous saisissons l’Invisible (gayb), car la raison ne saisit pas les choses à travers leurs seuls aspects sensibles, mais aussi à travers la possibilité et l’impossibilité. Elle analyse les choses pour aboutir à des conclusions comme ‘le polythéisme est faux’ du fait que cette proposition est impliquée par des preuves. Si l’on pose la question : « le Paradis et l’Enfer existent-ils ? » ou « l’Autre monde existe-t-il ou non ? », la raison nous répond tout d’abord que l’Autre monde est possible, puis elle examine les preuves pour aboutir à la conclusion pour laquelle l’Autre monde est ce qui justifie l’existence de la responsabilité dans le système humain créé par Dieu, chose qui peut nous être suggérée par le Noble Verset qui dit : ((Pensez-vous que Nous vous ayons créés en pure gratuité, et que de vous-mêmes il ne Nous fût pas fait retour ?)) (Coran XXIII, 115), la gratuité étant impossible s’agissant de Dieu, le Très-Haut.

Nous pensons également que les savants contemporains ne disent pas d’ordinaire de la chose qui fait l’objet de leur recherche qu’elle est impossible. Ils disent plutôt qu’elle est possible, mais qu’il faut chercher pour savoir si le possible est ou n’est pas réel. C’est pour cette raison qu’ils ont évolué. Ibn Sînâ (Avicenne) a dit à ce propos : « Laisse tout ce que tu entends dans le coin de la possibilité jusqu’au moment où il te sera prouvé par l’argument clair ». Toute chose est donc possible, mais s’il nous est péremptoirement prouvé qu’elle est, sous un aspect ou un autre, impossible, nous disons alors qu’elle est impossible. Mais la coutume en vigueur dans nos sociétés en Orient veut que nous disions que cette chose est intelligible ou inintelligible, au point que certains intellectuels te disent lorsque tu leur parles des djinns, que c’est inintelligible. Lorsque tu leur parles de l’Autre monde, ils te disent que c’est inintelligible et mettent cela dans le rang des légendes. Mais nous savons que l’homme dit d’une chose qu’elle est inintelligible rien que parce qu’elle ne lui est pas familière. Cependant la différence est très grande, pour une chose, entre le fait de ne pas être familière et le fait de ne pas être intelligible.

Nous disons donc à ce propos qu’il n’est pas familier pour les hommes dans notre vie de côtoyer les djinns, mais qu’il est rationnellement possible que des créatures s’appelant ‘djinns’ ou d’autres créatures existent bel et bien. L’homme a maintenant découvert beaucoup de microbes invisibles à l’œil nu et beaucoup de choses dont nous ne sentions pas l’existence.

La méthode rationnelle, une voie qui permet d’évoluer

C’est cette méthode de réflexion qui fait évoluer la pensée et élever la raison, car la raison peut élever l’homme aux plus hauts degrés. Lorsque tu te poses une question et tu l’abordes par la contemplation ou par l’expérience, tu te mets à chercher des conclusions prévues ou imprévues. Mais si tu commences par donner des réponses préétablies en disant que c’est inintelligible, il est alors normal que tu te figes et que tu te retrouves dans une situation ne te permettant pas de faire évoluer ta réalité. Cela peut se refléter non seulement au niveau de l’aspect en relation avec la connaissance ou la science, mais aussi au niveau de toutes les dimensions sociales et politiques aussi bien que même au niveau personnel et pratique. Tu as maintenant des aspirations ou des ambitions données et tu en parles. D’autres te disent qu’elles sont impossibles ou inintelligibles et, toi-même, tu ne t’es même pas posé la question de savoir si c’est possible ou impossible. Cela arrive souvent dans les affaires politiques pour conduire à la sclérose de peuples entiers suite à ce genre de réflexion pour lequel telle ou telle réalité est impossible à changer dans la mesure où l’homme ne s’investit pas dans des affaires impossibles. Cela est présent aussi sur le plan social. Beaucoup de problèmes sont responsables du retard de nos sociétés, comme les mentalités tribales, certaines traditions sociales fondées sur des légendes et certaines autres traditions religieuses fondées sur des mythes. La sclérose a continué d’exister à cause de ces idées préétablies pour lesquelles rien n’est utile ou personne n’accepterait le changement. Les idées préétablies pour lesquelles telles ou telles choses sont impossibles sont responsables de la sclérose de la raison dans beaucoup de régions en Orient et même dans les régions musulmanes.

Pour tout cela, nous disons qu’il nous est indispensable de faire évoluer cette question de la raison, pour faire en sorte que notre culture soit fondée sur la raison à la maison et à l’école, dans le commerce et dans l’économie, dans la politique et au niveau des instances scientifiques. Nous devons agir pour que la raison soit elle-même la culture.

La mentalité fondée sur l’Invisible

Nous trouvons dans ce domaine certaines idées pour lesquelles la raison n’a aucune valeur en comparaison avec la Loi, ou que la raison n’a pas de valeur du point de vue de la religion, en général, ou de l’Islam, en particulier. Ces idées semblent vouloir dire que la raison c’est renier l’Invisible qui est le fondement même de la religion. Mais ces idées prouvent qu’elles ne sont pas assez conscientes de la question de la raison en Islam. En ce qui concerne la question de l’Invisible, la raison nous dit que tout ce dont parlent les religions comme l’existence d’un monde autre que le nôtre, comme le Paradis et l’Enfer, comme le châtiment et la récompense, est possible. La raison affirme la possibilité de l’existence de l’Invisible. Quant à la présence effective des réalités Invisibles dans la conscience, elle est en relation avec l’expérience personnelle et nous la connaissons seulement à travers les déclarations de la personnes impliquée qui est la seule à pouvoir nous donner une idée nous permettant de constater sa sincérité.

Mais il est vrai qu’une autre mentalité existe bel et bien et, de plus, elle est devenue active ou influente. Ses tenants tentent de tout expliquer par l’Invisible et répondent à toute question qu’ils croient à l’Invisible. Il est vrai que nous aussi, nous croyons à l’Invisible. Mais Dieu, à Lui la grandeur et la Gloire, n’a pas fondé le système de l’univers et de l’homme sur l’Invisible. Tout phénomène parmi ceux de l’univers est régi par des lois que l’homme est capable de les découvrir. De même, tout phénomène humain est soumis à une loi que l’homme est en mesure de découvrir. Dieu, à Lui la grandeur et la Gloire, n’a donc pas soumis toutes les dimensions de la vie sur l’Invisible. Il existe en effet un Invisible que Dieu le garde inconnu même par les prophètes (que la paix soit sur eux), et cela est exprimé par l’allocution du prophète Nûh (Noé) (p) dans le Noble verset qui dit : ((Je ne me vante pas auprès de vous de détenir les trésors de Dieu. Je n’ai de l’Invisible nulle connaissance)) (Coran XI, 31). Et il y a un Invisible que Dieu, le Très-Haut, livre aux prophètes (p) selon le besoin qu’ils en ont pour la transmission de leurs messages, et cela est exprimé par la parole de Dieu dans le Noble Verset qui dit : ((Cela fait partie des histoires de l’Invisible que Nous te révélons)) (Coran XII, 102).

Il est donc faux de tout expliquer par l’Invisible. Si certaines personnes se voient atteintes d’une maladie comme l’épilepsie, nous est-il alors permis de l’expliquer à partir de l’Invisible ? Il en de même pour beaucoup d’affaires comme les victoires et les défaites dans les guerres. On entend souvent dire qu’un homme monté sur un cheval blanc s’est présenté et qu’il a fait tel ou tel exploit guerrier. Il est vrai qu’un tel événement est arrivé à la bataille de Badr qui s’est déroulée entre les Musulmans et les Polythéistes. Dieu, le Très-Haut, nous a parlé de cet événement Invisible et Il l’a permis pour empêcher les Polythéistes de supprimer l’Islam. Mais à la bataille de Uhud, les choses ont suivi l’ordre militaire. Les Musulmans ont été vainqueurs au début de la bataille parce qu’ils ont respecté les règles militaires pour défendre leurs positions. Mais ils ont été vaincus à la fin de la bataille parce qu’ils se sont détournés de ces règles militaires en laissant leurs positions sans défense. Dieu, à Lui la grandeur et la Gloire, a révélé dans la Sourate ‘Al ‘Imrân’ (la Famille de ‘Imrân) plusieurs Versets qui critiquent la conduite qui a causé la défaite des Musulmans. Nous disons que l’Invisible est vrai. La foi en l’Invisible fait partie de nos doctrines. Mais la foi en l’Invisible doit être fondée sur la règle de la raison qui reconnaît sa possibilité, et sur le texte véridique tel qu’il est révélé effectivement au Prophète (P).

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