LA FÉMINITÉ DE LA FEMME TELLE
QU'ELLE EST PERÇUE DANS LES AUTRES SOCIÉTÉS
Lorsqu'on étudie la question de la féminité considérée
en tant qu'état instinctif, tout comme c'est le cas de la masculinité de
l'homme, nous pouvons avoir l'impression que certaines personnes pensent
que le respect de la féminité de la femme est le synonyme de sa liberté.
Cela équivaut à dire que la femme doit pouvoir exprimer le mouvement de
sa féminité telle qu'elle se présente sur le plan instinctif. On pense
aussi que l'homme a le même droit à cette liberté.
Pourtant, les choses peuvent prendre une direction
différente. Ceux qui pensent de la sorte imaginent que la société
primitive respectait la féminité et que les sociétés contemporaines font
de même alors que l'Islam opprime cette féminité. Ils fondent leur façon
de penser sur le fait que l'Islam a institué des règles qui enferment la
féminité à l'intérieur d'une sphère particulière en dehors de laquelle
la liberté mentionnée est totalement absente. Ils signalent aussi le
fait que l'Islam a institué des règles semblables pour l'homme mais la
sphère est d'autant plus large qu'elle assimile la polygamie, etc…
Mais si nous expliquons la féminité, telle qu'elle se
présente dans la personnalité de la femme, à partir du fait qu'elle
représente sa subjectivité sous tous les aspects de son être physique et
affectif et sous tous les aspects de son mouvement dans le monde des
sentiments… Si nous le faisons de telle manière que la féminité nous
transparaît en tant qu'expression du sens de la diversité chez l'homme,
tout comme c'est le cas de la masculinité,… nous trouvons alors que la
féminité ne représente pas seulement un état instinctif. Elle serait un
état humain représentatif de ce qu'est la femme en face de ce qu'est
l'homme et cela du point de vue de ses caractéristiques qui vont de
paire avec les exigences de la maternité et les autres exigences
générales qui font d'elle un être différent de l'homme du point de vue
du caractère et du tempérament…
En étudiant cette explication et en nous penchant sur le
point de vue selon lequel la féminité est respectée par les sociétés
primitives et par le monde moderne, nous trouvons que les choses ne sont
pas telles qu'on le dit. Les caractéristiques humaines sont plutôt
opprimées ou respectées en fonction de la manière dont l'homme se
représente la nature de ces caractéristiques. Ainsi nous remarquons que
l'attitude des peuples primitifs vis-à-vis de la personnalité de la
femme ne constitue pas une sorte de respect porté à la féminité, mais
une sorte d'exploitation et un façon de traiter la femme comme si elle
était un instinct et non pas un être humain. De son côté, et avec ses
tendances païennes, l'évolution civilisationnelle que représente le
monde moderne, va dans le même sens et s'inscrit dans le même ordre. On
peut, il est vrai, constater un certain respect de la femme dû au fait
qu'elle est un élément productif et influant dans la vie sociale,
culturelle et politique. Mais la société moderne considère la
femme-femelle comme un élément susceptible d'être exploité. Sa mentalité
a été construite, dans le climat culturel ambiant, de telle sorte
qu'elle considère cet aspect de sa personnalité comme une valeur
fondamentale de son humanité, alors que l'homme ne considère pas sa
masculinité comme une valeur fondamentale dans son existence. A partir
de ce fait, on peut dire qu'en respectant la femme à travers sa
personnalité de femme et qu'en considérant le côté instinctif comme un
besoin, pour la femme, tout comme il l'est pour l'homme, l'Islam cherche
à ce que la femme exprime son humanité, dans la vie sociale, à travers
les aspects de la féminité qui ne s'écartent pas de l'équilibre propre à
cette féminité.
Ainsi, nous pensons qu'en instituant des règles bien
déterminées pour la féminité et en cherchant à ce que la femme suive la
ligne de l'équilibre, l'Islam ne fait que la respecter alors que la
civilisation matérialiste ne fait que la pousser dans le sens de la
déviation. Pour cette raison, nous trouvons que la femme musulmane qui
connaît certains problèmes dans la société musulmane ou qui souffre de
certaines situations négatives qui sont, d'ailleurs compensées sur le
plan législatif… connaît aussi une stabilité totalement inconnue par la
femme de la société civilisée.
Il existe des affirmations selon lesquelles la femme
était respectée dans les sociétés antéislamiques, c'est-à-dire dans ces
sociétés connues sous le nom de matriarcales, où la femme dirigeait la
société et donnait son nom aux enfants.
Nous répondons qu'il n'est pas nécessaire que ce genre
de comportement social soit considéré comme une marque de respect qu'on
porte à la femme. Il peut être, au contraire, une illusion pure et
simple. Il peut s'agir de l'une de ces illusions des peuples primitifs
qui sacralisaient la femme non pour des raisons relatives à son
humanité, mais à sa maternité qui, particulièrement chargée de secrets,
permettait à l'imaginaire primitif de croire à la possibilité d'un
pouvoir créateur qui rapprochait la femme du statut divin. Il existait
des situations sociales qu'on trouve encore aujourd'hui en Inde, par
exemple, ou ailleurs, où les peuples adoraient les organes sexuels de
l'homme ou de la femme parce qu'ils croyaient qu'ils constituaient
l'origine ou le point de départ de la procréation et de la création. Il
est donc naturel, puisque les choses sont telles, que l'affaire ne soit
pas une affaire de respect dans le sens humain du respect. Il s'agit
plutôt d'une attitude arriérée dans l'évaluation de la femme dans ce
domaine. Lorsqu'il s'agit d'évaluer, on ne peut pas poser le problème du
point de vue du respect et du non-respect. Il en est ainsi même
lorsqu'on observe que notre société patriarcale admise et acceptée par
les religions ne constitue pas un état répressif de la femme parce
qu'elle fait remonter le fils au père généalogiquement à la manière de
l'arbre qu'on fait remonter à la graine. Cette attitude peut être
naturelle de ce point de vue et elle peut être justifiée par le rôle
joué par la mère dans l'éducation des enfants. C'est que la maternité ne
se réduit pas seulement à la conception et à l'accouchement après la
grossesse. La maternité est un grand effort investi dans la préparation
de l'homme, dans son éducation et dans sa nutrition à partir du
potentiel affectif de la mère et des pratiques affectives qu'elle vit et
qui se reflètent au niveau de la personnalité de l'enfant. Cela
constitue une grande occasion pour la femme d'entrer dans la société et
de participer à ses activités. Il se peut qu'en ce qui concerne cette
question, nos sociétés, y compris, les sociétés occidentales vivent dans
l'une ou l'autre des deux situations suivantes:
Une première situation où la femme vit son rôle de mère
tout en exerçant son rôle de moyen de production. Cela lui est
atrocement fatigant surtout lorsque recommence le travail domestique
relatif à son statut d'épouse ou de mère, juste en rentrant à la maison
après une journée de travail à l'extérieur.
Une seconde situation où la maison n’est, pour l'homme
et pour la femme, rien qu'un endroit où on vit comme on le fait à
l'hôtel et où on est servi par une servante qui cherche la nourriture au
restaurant. L'enfant est livré à une nourrice ou déposé dans un jardin
d'enfants. Une telle situation ne peut que se refléter négativement sur
le plan de la production. Elle augmente les dépenses de la maison, ce
qui se reflète à son tour au niveau de l'éducation de l'enfant qui ne
pourra ainsi pas recevoir suffisamment de cette nourriture affective que
personne, en dehors de la mère, ne peut lui procurer.
Pour toute ces raisons, nous pensons que la société
patriarcale peut procurer à la femme les moyens d'affirmer son humanité
et de jouer son rôle beaucoup plus que la société matriarcale qui fait
de l'homme un simple chômeur qui ne fait qu'attendre les ordres de la
femme sans rien faire… Il n'a même pas à se soucier des affaires
domestiques qui s'ajoutent ainsi aux autres attributions de la femme.
Ainsi, on ne peut pas procéder à une opération d'évaluation
civilisationnelle qui permettrait de dire que la société matriarcale
offre à la femme plus de respect que la société patriarcale. Il se peut
aussi qu'il y ait certains points négatifs dans la façon avec laquelle
l'homme s'identifie à son rôle dans la société patriarcale et dans la
façon avec laquelle la femme s'identifie à son rôle dans la société
matriarcale. Mais ces points négatifs ne proviennent pas de la ligne de
pensée en vigueur à l'intérieur de cette sphère car cette ligne
appartient à la sphère de la nature des déviations sur le plan des
pratiques. |