RELATIONS ET VIE CONJUGALE
Parmi les aspects négatifs les plus
dangereux des relations humaines –y compris la relation conjugale qui
est la plus solide de toutes les relations humaines dans la mesure où
elle est le lieu à l'intérieur duquel l'homme tout entier s'ouvre à
l'homme tout entier, sans qu'il y ait de frontières ou d'entraves qui
les séparent l'un de l'autre dans les domaines qui séparent,
ordinairement, les gens les uns des autres-… Parmi ces aspects négatifs,
on signale la tentative de l'une des deux parties de la relation
d'annuler l'autre. L'annuler en considérant que ses propres
caractéristiques doivent être celles de l'autre qui n'aura pas, de ce
fait, la liberté de se distinguer de lui à travers ses propres
caractéristiques à lui qui ont leurs racines humaines qui doivent
s'exprimer dans le cadre de la famille ou dans celui de toute autre
institution en rapport avec la nature des conditions psychologiques,
sociales et économiques qui l'entourent.
Il est donc nécessaire, pour les deux
conjoints, de ne pas considérer la relation conjugale comme un lieu où
chacun d'eux cherche à neutraliser l'autre. Il ne faut pas qu'aucun
d'entre eux se contrarie du seul fait que l'autre se différencie, se
distingue ou se montre indépendant de lui. Tous les deux doivent
considérer la relation conjugale comme une relation entre deux
personnes: la pluralité doit ainsi constituer la base même du sens de la
relation. La pluralité signifie que chacun d'entre eux possède des
caractéristiques existentielles humaines qui diffèrent de celles de
l'autre et cela tout en se rencontrant au niveau de certaines causes
communes, objets de leur accord mutuel. Les deux parties ont des
intérêts communs sur le plan de leurs raisons de vivre, dans leurs
pratiques et dans les objectifs qu'ils cherchent à atteindre ensemble.
De tout cela, nous comprenons que les deux conjoints doivent s'entendre
au sujet de leurs particularités afin de s'intégrer au lieu de diverger
et de s'écarter l'un de l'autre. Ils doivent trouver le moyen de se
rapprocher l'un de l'autre à travers leurs particularités de sorte à ce
que celles-ci n'entament pas les points communs. Et il est en tout état
de cause nécessaire de respecter ces particularités.
Parmi les exemples qu'on peut citer à ce
propos, on peut prendre n'importe quelle question qui peut susciter des
désaccords entre les deux époux. Le mari peut, par exemple, exiger que
sa femme s'intègre dans la vie de ses parent à lui, au point de perdre
sa liberté, son humanité et ses particularités et de s'éloigner, du même
coup, de sa propre famille à elle. La femme peut, de son côté, imposer à
son mari, mais à de moindre mesure, des positions semblables, en mettant
à son profit les moyens de pression dont elle dispose ne serait-ce qu'en
le bouleversant et en lui compliquant la vie.
Il est nécessaire, à ce propos que le mari
comprenne que sa femme est un être humain comme lui; un être humain qui,
tout comme lui, possède ses propres racines. Il est difficile d'arracher
un être humain à ses racines et de l'obliger à s'intégrer d'une manière
complète dans un autre milieu, rien que pour s'incliner devant le désir
d'un autre être humain. L'intégration ne peut se faire correctement qu'à
travers certains facteurs psychologiques, sentimentaux et vitaux
conformes aux conditions de l'être humain, à ses activités et à sa
situation dans la société. Il est naturel, pour cette raison, que le
mari essaye de rapprocher sa femme du climat de son propre milieu à lui
et que la femme cherche, de son côté, à rapprocher son mari du climat de
son propre milieu à elle. Ce rapprochement mutuel peut créer une sorte
de relation naturelle qui peut, à son tour, aider à exercer plus de
pressions dans le sens de gagner plus de terrain. Cela se comprend dans
la mesure où la nature de l'intérêt conjugal commun, que les deux
parties cherchent à protéger, en exerçant des pressions ici et là,
oblige à accepter qu'on soit, en quelque sorte, envahi par l'autre, même
si cette invasion nous est toujours répugnante.
Il est nécessaire que, dans ce climat,
chacune des deux parties de la relation refuse les aspects négatifs de
la pression exercée par son propre milieu sur l'autre qui est son
conjoint. Chacune des deux parties doit essayer de contrôler ces aspects
négatifs et de les atténuer afin de ne pas écraser l'autre dans ses
sentiments, dans son esprit et dans toutes ses dispositions. Les termes
sont particulièrement significatifs à ce propos d'"amour" et de
"compassion" considérés par le Noble Coran comme un grand titre de la
vie conjugale, comme une introduction à l'effort d'arrangement de cette
relation qui lie la femme aux parents de son mari et le mari aux parents
de sa femme: l'amour ouvre l'homme aux horizons du respect qu'on doit
porter aux sentiments de l'autre et la compassion l'ouvre aux horizons
de la reconnaissance des conditions et des circonstances de l'autre.
On peut, de la sorte, arriver à poser la
question des divergences des opinions politiques ou sociales des deux
conjoints. Il n'est pas naturel, à ce propos, que la mari impose son
opinion politique à sa femme du seul fait qu'il est le mari, ou parce
que la vie conjugale exigerait leur accord sur le plan politique, accord
au non duquel la femme devrait obéir à l'homme dans ce domaine. Il n'est
pas non plus naturel que la femme impose ses vues à son mari au nom de
l'amour et de la fidélité qui feraient défaut dans le cas où il
refuserait de s'y incliner. Ce genre de conceptions sont complètement
fausses et inhumaines car nous savons que l'engagement à une opinion ou
dans une attitude politique ou sociale donnée se fonde normalement sur
des convictions et se fait à partir de conditions bien déterminées.
Il est donc naturel que nous n’imposions pas nos convictions aux autres,
dans le cas où nous n'arrivons pas à les convaincre d'accepter nos
convictions. Il n'est pas normal que nous imposions nos conditions aux
autres, dans le cas où nous n'arrivons pas à rapprocher leurs conditions
des nôtres. Il est donc nécessaire de trouver, dans ce domaine, une
sorte de dialogue ou une sorte d'arrangement qui sauvegarderait la vie
conjugale et permettrait la cohabitation avec l'opinion différente. Il
est toujours possible d'agir à partir des dénominateurs communs des deux
opinions ou des deux attitudes et ce pour arriver à des solutions aux
questions disputées, à condition que cela se fasse au moyen du dialogue
et dans la compréhension mutuelle… |