LES MANIFESTATIONS
DE LA COMPASSION
La compassion signifie ce qui s'oppose à la
cruauté. Il est possible de déduire sa signification positive à travers
les suggestions de l'autre signification, négative, de la cruauté. Être
cruel à l'égard d'un être humain c'est l'assiéger dans ses sentiments,
dans ses affections, dans ses conditions, ses circonstances et ses
intérêts. C'est ne prendre en considération aucune des dimensions de sa
personne en rapport avec le mouvement du sentiment humain ou avec le
mouvement de la réalité et porter atteinte, en agissant avec cruauté à
l'égard de l'autre, à son existence humaine elle-même.
Cela signifie que la question de la
compassion doit se poser à partir de l'étude des conditions qui
entourent l'autre; à partir de l'étude de ses sentiments, de ses
sensibilités et de ses intérêts. Pour cette raison, la compassion ne
peut pas avoir un aspect immuable. Il en est de même pour la cruauté. Il
arrive que la cruauté –qu'on exerce au moyen d'un mot, ou au moyen de
certains agissements- soit une compassion au niveau de l'autre dimension
du phénomène, comme c'est la cas dans la cruauté du médecin vis-à-vis du
malade et celui-ci peut crier de douleur. Mais cela lui est nécessaire
car il permet de partir et de vivre en paix. Qu'on soit compatissants
les uns envers les autres, c'est que chacun respecte les sentiments, les
sensibilités et les conditionnements de l'autre, dans la mesure où cela
ne porte pas préjudice aux intérêts des uns et des autres. Il est
naturel que les gens divergent quant à la définition de l'intérêt et
qu'ils ne s'accordent pas quant à leurs conceptions du réel. Cela est
une question qui ne peut se résoudre qu'à partir de la crainte
révérencielle, la crainte de Dieu. L’homme doit étudier la chose telle
qu'elle se pose entre Dieu et lui et à partir des données divines. Après
une telle étude, il peut passer à l'étude de la chose telle qu'elle se
pose entre lui et les autres qui ne s'accordent pas avec lui. Une telle
étude peut l'aider à comprendre le mouvement de la compassion da la
réalité objective telle qu'elle se définit à partir des élément
essentiels de la question.
Comme tout autre concept moral islamique, le
concept de la compassion doit être fondé, au niveau de son
infrastructure, sur les qualifications légales (al-ahkam
ash-shar'iyya) et sur l'étude des conditions réelles qui entourent la
question. Car ce sont ces conditions qui déterminent la qualification
légale, positive ou négative, concernant cette question. C'est sur cette
base qu'on peut parler de l'homme musulman qui suit, dans le cadre de
son adhésion à l'Islam, le mouvement de l'engagement conscient et ouvert
à Dieu qu'Il soit exalté et glorifié. C'est sur cette base qu'on peut
parler aussi de l'homme en général; de l'homme qui ne s'écarte pas des
prescriptions de sa conscience humaine, morale, spirituelle et sociale;
de l'homme qui ne s'écarte pas des règles générales qui régissent les
relations des hommes les uns avec les autres. Nous ne parlons pas ici de
l'homme instinctif, mais de l'homme humain. |