LE
MARIAGE: UNE RELATION
D'AMOUR
ET DE COMPASSION
Le mariage est une relation humaine comme
toutes les autres relations qui lient les humains entre eux. Il diffère
des autres relations par son caractère plus intime du point de vue des
particularités de la vie conjugale. Il diffère aussi, par le fait qu'il
est à l'origine de la naissance d'autres personnes, les enfants, dont
l'existence est liée, négativement ou objectivement, aux péripéties de
la relation conjugale. Lorsque nous étudions les relations humaines, il
est naturel qu'on cherche à comprendre les différences entre les
individus, au niveau des différents aspects de leur pensée, de leur
éthique et de leurs conditions et dispositions. Il est donc naturel que,
dans toute relation, la compréhension mutuelle soit fondée sur la prise
en considération, par chaque partie, des points forts et des points
faibles de l'autre partie, et ce pour qu'elle puisse les équilibrer avec
ses propres faiblesses et forces. Il est aussi naturel que des
divergences, des heurts et des répulsions mutuelles aient lieu sur les
plans intellectuels et affectifs ou même sur le plan des intérêts des
deux parties. Les deux parties doivent entrer, dans ce domaine, dans un
dialogue objectif et rationnel qui essaye d'étudier les origines des
différends et le sens de leur évolution ainsi que les moyens d'aboutir à
des dénominateurs communs ou à une entente commune indispensable pour
que les différends ne détruisent ni ne compliquent la relation mais, au
contraire, l'élèvent au niveau de la cohabitation qui doit pouvoir
réunir les sphères de l'entente et de l'accord.
Mais pour aboutir à une position de ce genre
le besoin s'impose d'avoir une conscience humaine et religieuse ouverte
sur les causes de l'homme et de la vie. Une conscience qui part d'une
attitude humaine à travers laquelle l'homme ne pense pas que la vie lui
appartient à lui seul, mais qu'elle appartient aux autres aussi. L'homme
n'a donc pas le droit d'annuler les autres, ni de les empêcher de penser
d'une manière différente de la sienne. Il n'a pas non plus, le droit
d'user de la répression contre ceux qui ont des sympathies différentes
des siennes. Une telle attitude peut donner à la vie son équilibre, sa
paix et sa vitalité. Elle peut lui donner beaucoup d'éléments
nécessaires pour la production sur tous les plans. Mais ils existe, à
l'autre bout de la vie, des gens qui ne pensent pas de cette manière.
Des gens qui ne vivent pas leur humanité dans l'humanité des autres. Ils
ne vivent pas l'esprit d'ouverture sur les autres dans ce qui fait
qu'ils sont différents d'eux, mais ils se comportent avec l'égoïsme qui
leur donne l'illusion qu'ils sont les seuls à avoir le droit de penser
et que les autres n'ont pas le droit de penser autrement. Ils pensent
qu'ils ont le droit d'agir pour s'affirmer et servir leurs propres
intérêts alors que les autres n'ont pas ce même droit. C'est de cette
manière de penser que découlent l'oppression, la répression, la
sauvagerie, l'exclusion des autres et la destruction de leur vie.
C'est cette manière d'agir et de penser qui
régit les rapports humains en général. La relation conjugale n'est pas
une exception: l'époux entre dans la vie conjugale avec tous ses points
forts et faibles, avec tous ses résidus moraux et culturels et avec
toutes ses habitudes et traditions arriérées. Il en est de même pour
l'épouse. Lorsque la relation conjugale n'est pas assez étudiée par les
deux conjoints; lorsqu'elle n'est qu'une relation traditionnelle où la
nouvelle génération se comporte à l'instar de la vieille génération…
beaucoup de membres de la nouvelle génération reproduisent les
comportements de leurs pères dont ils récusent l'arriération et se
laissent paradoxalement influencer par eux. L'homme peut conserver, dans
son inconscient, la manière avec laquelle son père traitait sa mère et
la femme peut conserver, dans son inconscient, la manière avec laquelle
sa mère échangeait avec son père. De la sorte, la vie cesse d'être le
fruit d'une relation bien étudiée par les deux conjoints et devient une
relation qui subit le désordre et l'influence des résidus, des coutumes
et des situations ambiantes. Pour cette raison, on peut constater que la
plupart des relations conjugales connaissent des complications
insupportables. Les deux conjoints peuvent sembler vivre en paix alors
qu'ils vivent dans une situation de guerre secrète issue de la
répression ou de l'oppression que l'une d'eux exerce vis-à-vis de
l'autre en profitant de la force dont il dispose et qui fait défaut chez
l'autre. Il est normal, puisqu'il en est ainsi, que l'Islam pose des
règles à suivre pour les deux conjoints. Des règles qui vont dans un
sens humain. L'Islam cherche, en instituant ces règles, à ce que tout
état d'hostilité et tout conflit soient expulsés pour que chaque partie
cherche la meilleure solution susceptible de transformer l'autre en un
ami, après qu'il fût devenu un ennemi, à cause des problèmes et des
complications:
"L'action bonne n'est jamais semblable
à l'action mauvaise. Repousse celle-ci par ce qu'il y a de meilleur:
celui qu'une inimitié séparait de toi deviendra alors comme un ami
fidèle" Coran, "Fussilat" (Le Verset
Bien Expliqué), XLI 34
L’Islam pose donc, lors de son étude de la
question conjugale, des règles pour toutes les situations. Parmi
celle-ci, on compte celle où l'épouse se révolte et cesse d'obéir à
l'homme, sans avoir le droit de le faire.
Il est à remarquer que, lorsqu'on parle de
la relation conjugale, on a besoin de mots assez suggestifs pour dire
que les règles de cette relation ne sont pas du genre odieux qui
s'opposerait à la liberté de l'homme et à ses désirs. Ce sont des règles
que l'homme s'imposerait lui-même à partir de son amour, de sa
compassion et de sa responsabilité dans la vie. La vie a besoin que la
liberté soit limitée par des règles. L'homme ne peut pas continuer à
vivre et à satisfaire tous ses besoins dans les conditions de liberté
absolue. La vie n'appartient pas à toi seul. Elle est à toi et aux
autres. Si tu as le droit d'être libre dans ta vie, pour affirmer ton
existence, les autres aussi ont le droit d'être libres pour affirmer
leur existence. Pour cette raison, il est nécessaire que la liberté soit
limitée par des règles et des limites qui l'empêcheraient de s'annuler
sur un plan pour s'affirmer sur un autre. Cela est nécessaire pour que
la vie soit équilibrée dans toutes les situations. Nous devons
comprendre que la question de la vie conjugale peut être une entrave qui
bloque la liberté dont l'homme disposait quand il était célibataire et
dégagé des responsabilités qu'il a envers l'autre qui est son conjoint.
Mais il connaissait, lorsqu'il était célibataire, des entraves
psychologiques et un vide d'un autre genre. Les limites qu'il accepte
avec le mariage sont choisies librement dans la mesure où elles lui
permettent de sortir de la prison où il vivait, lorsqu'il était
célibataire, dans les complexes psychiques et les complications de la
vie et des désirs insatisfaits. Avec ses chaînes en or, ses chaînes qui
doivent suggérer tout ce que l'or peut faire pour résoudre les
problèmes, le mariage le libère de toutes les complications du célibat.
C'est pour cette raison que l'expression "la cage d'or" est très
suggestive. Mais le problème est qu'il existe deux sortes d'or: l'or pur
qui n'accepte aucun autre élément qui pourrait l'altérer et porter
atteinte à son éclat et le "toc"!... Pour que la "cage d'or" soit un
lieu qui assure le bonheur a ceux qu'il enferme, son or doit être pur.
Cela veut dire que le mariage doit être fondé sur l'esprit de
responsabilité et de foi.
Ici, il se peut que certains se laissent convaincre que ce qui n'est pas
or est or et aller loin, si l'on peut dire, dans leurs idées dorées,
jusqu'à découvrir qu'il ne s'agit ni d'or ni d'aucune autre chose qui
ressemblerait à un métal pur: la vie conjugale est –du point de vue de
sa nature telle qu'elle est fixée par Dieu- la vie fondée sur l'amour et
la compassion. Si on commence cette vie à partir des envies et des
convoitises qui s'éloignent des grandes valeurs qui donnent aux gens le
goût des rapports sérieux et responsables, on aboutit très rapidement à
l'échec inévitable. La bonne relation se fane ainsi dans l'âme avant de
se briser dans la réalité extérieure. Elle trouve sa fin une fois que
les ambitions arrivent au pied du mur. Lorsque les mauvaises intentions
se dévoilent pour faire apparaître la férocité dans l'oppression de
l'autre. Lorsque le désir charnel se trouve refroidi, lorsque la page
est tournée des petites choses qu'on cherchait à réaliser sous couvert
du mariage. Il est normal que, dans ce cas, la relation ne soit pas
seulement ternie et qu'elle se trouve toute couverte de noir, de
l'extérieur comme de l'intérieur, car elle n'est pas une relation
humaine, mais plutôt une relation commerciale qui n'a rien d'humain.
Certaines personnes peuvent avoir recours à la fraude qui est un moyen
de se présenter à l'autre sous un air lumineux tout en dissimulant
l'ombre et les ténèbres à l'intérieur de soi. La fraude est à l'origine
de cette relation qu'on établit pour le seul but de réaliser ses
ambitions et satisfaire ses besoins et ses pulsions sans s'arrêter
devant aucune question de profondeur humaine. Il ne s'agit pas ici de
considérer le désir charnel comme une chose satanique dans la mariage.
Il ne s'agit pas de considérer ce désir comme quelque chose d'amoral qui
incite au mariage. Il s'agit seulement du fait que le désir charnel doit
être vécu humainement et que l'instinct doit être vécu humainement et ce
pour que l'homme ne soit pas un animal vivant avec un autre animal à
travers l'animalité de l'instinct et la rage du désir. Nous disons ici
que l'homme doit vivre son humanité qui exprime ses besoins spirituels
et corporels afin de s'intégrer dans la totalité de ses dimensions. De
la sorte, l'homme devient comme un habit pour la femme et la femme comme
un habit pour l'homme et ce à travers l'intégration, par l'homme, de la
femme toute entière et l'intégration, par la femme, de l'homme tout
entier. De la sorte, l'intégration peut être entière et totale, une
fusion complète où chaque partie ne sent l'existence d'aucun vide qui le
séparerait de l'autre. C'est cela qui confère au mouvement de
l'affectivité, de l'amour et de la compassion, son sens, sa vitalité et
son originalité. |