> Comment traiter le phénomène du takfir? Partie I
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Comment traiter le phénomène du takfir? Partie I

Son Eminence, l'Autorité religieuse, Sayed Mohammad Hussein Fadlallah (ra), a parlé une fois du phénomène du Takfir dans les communautés musulmanes et les moyens pour y faire face, tout en répondant à une série de demandes de renseignements pertinents. Son Eminence a estimé que les groupes takfiris sont des gens qui ne connaissent pas l'Islam ou sa vérité, et c’est pourquoi ils ne font pas de distinction entre l'incrédulité et la croyance. Il a également souligné que discuter de la question avec eux de manière objective et en leur montrant comment ils se trompent en ce qui concerne la question de l'incrédulité et de conviction et jugeant certains groupes de musulmans comme infidèles en leur permettant de tuer… ceci pourrait être un moyen de traiter ce phénomène et de le limiter...

Le phénomène du Takfir

Q : Récemment, le phénomène du takfir est venu à la lumière dans nos communautés islamiques, alors quelle est la meilleure façon de s’en débarrasser ?

R : Le problème avec ces Takfiris, c’est qu’ils ne disposent pas d'une culture de croyance et d'incrédulité. Par exemple, en tant que musulmans, qu’est ce qui rend un homme musulman ou infidèle ? Ce qui rend une personne musulmane sont trois choses selon tous les musulmans à l'unanimité : [professant] l'unicité d'Allah, la prophétie et le Jour dernier. Une fois qu'une personne croit en ces choses principales, elle devient musulmane. Donc qu’est ce qui rend une personne un mécréant ? Simplement, c’est le fait de nier l'une des trois choses mentionnées ci-dessus. Donc, si une personne refuse la présence d'Allah, ou qu'il n'y a pas d'autre dieu que Lui, alors il est un mécréant. Voilà pourquoi nous disons que les athées sont mécréants car ils nient la présence d'Allah, et voilà pourquoi nous disons que les polythéistes sont mécréants parce qu'ils nient que Dieu est Unique et ils ne croient pas à la prophétie [de Mahommad]. Nous disons aussi la même chose pour les gens du Livre, qui exigent de savoir : Comment vous dites de nous mécréants ? ! En effet, l'incrédulité est relative, parce qu’il pourrait être un croyant qui croit en Allah, Exalté soit-Il, mais qui ne croit pas au Prophète [de même croire en la prophétie de Mohammad est l'un des constituants de la croyance] ; ce qui les rend "croyants" à leur manière. Cependant, Allah les a considérés comme ceux qui n’attribuent pas de partenaires à Dieu, car Il dit : « Dis : " O Gens du Livre ! Venez-vous rallier à une parole qui nous soit commune, à nous et à vous : que nous n'adorions que Dieu, que nous ne Lui associions rien et que nul parmi nous ne prenne des seigneurs en dehors de Dieu... » (03:64), et : « Nous croyons à ce qui nous a été révélé et à ce qui vous a été révélé ; notre Dieu et votre Dieu ne font qu'Un, et nous Lui sommes soumis » (29:46). En tant que tel, le Coran conclut : « Les mécréants appartenant aux Gens du Livre et aux associateurs ne peuvent cesser de mécroire tant que la Preuve décisive ne leur est pas parvenue » (98:01). Il a examiné les gens du Livre, qu’ils soient Juifs ou chrétiens, comme mécréants et non polythéistes, considérant qu'ils ne croient pas au Messager d'Allah. Dans le même sens, Allah considère ceux qui ne croient pas au dernier jour comme mécréants. Il y a certains cas où les juristes, les sunnites et les chiites à la fois, disent que quiconque nie un facteur essentiel dans la religion a effectivement nié quelque chose qui a été à l'évidence établi dans la religion. Un exemple c’est que quand quelqu'un dit que les prières ne sont pas obligatoires, mais cela implique le fait de nier Allah et Son messager, Allah dit : « Et suivez la prière " et le Prophète (p.) a établi que les prières sont obligatoires.  La même chose vaut pour ceux qui disent que jeûner et accomplir le pèlerinage ne sont pas obligatoires et que consommer de l'alcool n’est pas interdit, bien que ces décisions sont connus pour tous les musulmans. Lorsque cela se produit, alors on nie le principe qui exige de croire en ce qu'Allah et Son Messager prêchent, mais si on n’y croit pas, alors on rejette Allah et Son Messager, puisque la déclamation et la négation de l'essentiel sont tous deux corrélées.

Cependant, si nous supposons que quelqu'un nie quelque chose qui a été établie comme un élément essentiel dans la religion, sans savoir que le déclamation et la négation de l'essentiel sont corrélées, alors il ne devient pas un mécréant, tel que stipulé par certains chercheurs, y compris Son Eminence, Sayed Al-Khou'i. La raison en est que certaines personnes ne font pas de distinction, font attention ou savent ce que sont les principes de la foi afin de décider que quelqu'un est un croyant et musulman et ce qu’est le principe de l'incrédulité afin de décider qu'il est un mécréant. Ceci se produit aujourd'hui entre certains groupes de sunnites et chiites. Un groupe pourrait se rapporter à un hadith et dire qu'ils le considèrent comme authentique, mais ils se font accuser d'incrédulité, car, selon les autres, ils ont désavoué le Messager (p.). Mais ce hadith que vous établissez comme authentique pourrait ne pas être établie par moi comme authentique, mais il basé sur la fiabilité des narrateurs ou sur la signification des mots du Hadith. Donc, si vous y croyez, alors que je dis qu'il n’est pas authentique, alors cela ne signifie pas que je désavoue le Prophète (p.) ; ni signifie que les narrateurs de ce hadith ne sont pas fiables. Il en va de même lorsque vous dites que ce hadith signifie ceci et cela, alors que je dis que je comprends les choses différemment, cela ne vous permet pas de m'imposer votre compréhension. Et voilà comment certaines personnes accusent les autres musulmans d'incrédulité, simplement parce qu'ils considèrent que leurs pensées sont la vraie religion tandis que les autres ne le sont pas.

Malheureusement, nombreux sont ceux qui accusent les autres d'incrédulité et d'égarement, qu’ils soient sunnites ou chiites, car il existe un fondamentalisme chiite et un fondamentalisme sunnite. Ce que nous devons faire c’est de se livrer à une discussion objective avec eux, à condition qu'ils acceptent la discussion, parce que certaines personnes ne le font pas, et ils sont décrits comme : « Il leur est indifférent que tu les avertisses ou que tu ne les avertisses pas : ils ne croient pas » (36:10). Celui qui ferme son esprit et refuse d’écouter, vous ne pouvez pas parler avec lui, mais celui qui est prêt à discuter de la question objectivement et scientifiquement, nous devons nous engager dans une discussion avec lui afin de régler la question de l'incrédulité et de croyance droite pour lui.

Le Takfir est dangereux !

Q : Vous avez parlé de la concorde entre l'esprit et la religion et vous avez cité des exemples de savants musulmans, comme Alpharabius (Al-Farabi) et Avicenne (Ibn Sina), mais même eux, ils ont commis des erreurs, et l'Imam Al-Ghazali s’est tourné pour les accuser d'incrédulité (takfir) en trois questions et faire des innovations (Bida’ pl. de Bid'ah) en dix-sept, même si nous constatons que vous êtes d'accord avec Al-Ghazali sur la question de l'interprétation et de chercher à atteindre le bien par la nécessité de rechercher la proximité de la interne ?

R : Je ne suis pas d'accord avec le demandeur de la question du takfir, car il est plutôt dangereux, et la définition de l'incrédulité est à l'opposé de la croyance, qui est de croire dans le Seul et Unique Dieu, Son messager envoyé avec un message incarné dans le livre d'Allah et au Jour dernier. Donc, celui qui ne croît pas en l'un de ce qui précède est un mécréant. Il reste une question que les juristes abordent, sous le titre : « nier un des éléments essentiels de la religion », et cela se traduit pas l'incrédulité car ça implique le fait de nier le Messager, à condition que l'on soit conscient que la déclamation et le déni des éléments essentiels sont corrélés, et cela est une recherche jurisprudentielle. Par conséquent, se précipiter pour accuser les autres d'incrédulité est dangereux, et il pourrait être un mécréant qui nous accusons d'incrédulité, mais il ne faut pas hâter de le faire, parce que il pourrait y avoir un certain malentendu ou un point de vue différent qui pourrait changer la question.

Quant à la question de l'interprétation, nous disons que l'interprétation est présente dans la langue arabe, mais sur la base des règles d'interprétation de la langue arabe, car il y a une interprétation qui est soumise à l'humeur, comme en attribuant au mot «Tharra » (littéralement «Atome») dans ce verset : « Alors, celui qui aura fait le poids d'un atome de bien le verra » (99:07), la signification scientifique renommée à cette époque, traitant ainsi avec le Coran comme un des livres des sciences naturelles, bien qu'il y ait certaines significations à cet égard. Pour moi, il est inadmissible d'interpréter le Coran à travers les théories scientifiques, parce que le Coran est un livre sacré, et si vous l'interprétez aujourd'hui par une théorie, cette théorie pourrait changer demain, alors que feriez-vous dans ce cas ? Il y a des faits scientifiques et des théories scientifiques, par conséquent, le Coran veut que l'homme s’arme de la science, mais pas sur la base que le Coran est un livre qui traite des sciences naturelles et ainsi de suite.

Le Wahhabisme accusant les chiites d'incrédulité

Q : Quelle est votre opinion sur la position de l'imam d'Al-Beit Al-Haram dans laquelle il accuse les chiites d'incrédulité et qui l'a transformé en un prétexte pour les autres à verser le sang des chiites ?

R : La question ne se limite pas à l'imam d'Al-Beit Al-Haram, parce que tous les wahhabites (adeptes de la pensée wahhabite) accusent les chiites d'incrédulité, et je peux presque dire qu'en effet ils propagent parmi les différentes sectes islamiques la question d’accuser les chiites d'incrédulité. Par conséquent, le problème est fanatique et aveugle, et le problème de cet homme qui n'a pas appris à propos du chiisme en premier lieu, de sorte que lorsque vous lisez ses mots, vous remarquerez qu'il n’a ni lit à propos du chiisme, ni l’a compris. En fait, de nombreux chercheurs, que ce soit en Egypte, en Arabie saoudite ou ailleurs, lorsque vous les entendez parler du chiisme, vous vous rendez compte qu'ils ne sont pas familiers avec sa vérité.

Le Takfir est une déviation

Q : Quelle est votre opinion sur les Takfiris qui sont parfaitement sûr qu'ils sont sur la bonne voie en ce qui concerne ce qu'ils croient et font ?

R : Ce sont des gens qui ne comprennent pas l'Islam ou connaissent ses vérités, et c’est pourquoi ils ne font pas de distinction entre l'incrédulité et la croyance. En fait, leurs actions de juger le sang des musulmans qui se distinguent par leur permis de le renverser va contre la parole du Messager d'Allah, qui a dit : «Trois choses se rapportant à un musulman sont inviolables par son frère dans la foi : son sang, sa richesse et son honneur » et, avant cela, ceci est contre la parole d'Allah : «N'attentez pas à la vie d'un être humain, que Dieu a rendue sacrée, sauf pour une juste cause » (17:33).

Comment faire face aux Takfiris

Q : Quels sont les meilleurs moyens pour faire face aux mouvements takfiris qui se répandent considérablement dans nos sociétés arabes ?

R : Si nous parvenons à les convaincre que leur conception de la croyance et de l'incrédulité et le fait d’accuser les autres musulmans d'incrédulité et jugeant leur sang violable est quelque chose de mauvais et que le simple fait de l'incrédulité ne suffit pas de tuer une personne, à moins que les mécréants sont dans un état de guerre, c’est ce qui est ce que les non-musulmans adoptent aussi, car Allah dit : « Dieu ne vous interdit pas d'excuser et de traiter avec équité ceux qui ne vous ont pas combattus à cause de votre foi et qui ne vous ont pas expulsés de vos maisons ; Dieu aime ceux qui sont équitables » (60:08)... alors si nous parvenons à faire cela, nous le devrions.

Le Tafkir (la pensée) vs. Le Takfir

Q : "Je pense beaucoup à chaque question que je rencontre, qu'elle soit religieuse ou non" ; Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela signifie-t-il que vous appliquez le noble hadith : " Une heure de votre contemplation est mieux qu’un an de culte " ?

R : La question de penser à tout ce qui traverse l'esprit ou qui est mis en face de lui ou à propos de tout ce qu'on rencontre est quelque chose de positif que l'homme devrait adopter et former son esprit à le faire, car Allah ne veut pas que l’homme se lancer dans quelque chose avant d’y réfléchir. Mais, l'homme devrait réfléchir sur les questions de l'angle des responsabilités qu'il doit assumer, alors quand il pense aux principaux aspects de la foi, il devrait réfléchir à ses engagements religieux, et de même pour ses relations humaines et ses positions politiques et sociales, et même sur les questions liées à ses autres responsabilités, comme le fait de se tenir debout comme un homme responsable devant Allah et devant lui-même, où il établit sa personnalité d'une manière qu'il la nourrit mentalement, spirituellement et moralement. Peut-être, le secret derrière l'infiltration du retard dans notre réalité c’est qu'il y a une partie qui empêche les gens de réfléchir sérieusement sur les questions intellectuelles essentielles liées à la croyance dans ses détails et les concepts généraux dans leurs éléments précis et ceci ne croit pas en un dialogue scientifique objectif. Plutôt, ce groupe accuse les intellectuels d'avant-garde d'incrédulité et d'égarement sans étudier la question de façon objective et sans aucune connaissance.

Le 12/08/2015 Ap. J. C / 27/10/1436 H